2017/2 (n° 52)
Notre dossier invite à discuter et à réfléchir sur la question de la communauté, comprise comme un processus organisant et organisé résultant de la constitution permanente de peuples, de collectifs et de groupes qui cherchent à articuler leurs singularités avec une vie sociale collective marquée par des relations de proximité et par la recherche du commun. La dynamique organisante présente dans la constitution de communautés nous intéressera ici tout particulièrement, la notion de communauté sera ici pensée comme un travail : travail de discussion de valeurs, d’élaboration de normes ou principes, travail d’auto-organisation et de stabilisation de groupes sociaux mené dans un cadre social et technique en transformation.
L’approche sociologique développée par F. Tönnies en 1887 a construit au début du XXe siècle le concept de communauté de manière binaire, distinguant les relations communautaires et les relations sociétaires et les mettant en opposition. Selon l’auteur, les relations communautaires se caractérisent par la convivialité et l’intimité fondées sur des relations de parenté ou de voisinage présentes dans les sociétés traditionnelles et rurales où se perpétuent des coutumes et habitudes liées à une économie domestique et agricole. Le passage à la modernité industrielle provoque des ruptures dans les relations de sociabilité et se développent de nouvelles formes de vivre ensemble. Si auparavant, le vivre ensemble se faisait sur la base d’affects, de complicités, de proximité et de compagnonnage, dans les relations sociétaires prédomine le mode du contrat, de la sociabilité marchande qui comporte une grande part de rationalité.
Nous retenons deux pistes issues de la perspective de Tönnies. D’une part le fait que la question de la communauté se pose à un moment de transformation sociale majeure, celle que Tönnies observe en son temps et celle que nous connaissons plus d’un siècle plus tard, dans nos sociétés mondialisées, globalisées et numérisées. D’autre part, nous en retenons l’importance de la question des relations, relations aujourd’hui renouvelées, complexifiées et dont nous proposons d’explorer la dimension agissante, notamment dans la perspective des formations- transformations sociales en cours de part et d’autre de l’Atlantique. Le sillon théorique ouvert par Tönnies fait l’objet d’une circulation et révision internationale ininterrompue et ce faisant, elle nourrit une réflexion politique, sociale et communicationnelle et structure un dialogue transatlantique incessant. La lecture faite en Allemagne du concept tönniesien et son dévoiement par l’idéologie nazie interrompt dans ce pays la réflexion sur le thème de la communauté. La relance du sujet vient ensuite des Amériques (Nord et Sud), suscitant alors une réactivation puissante de la pensée européenne sur le sujet. L’expérience totalitaire invite à penser la question de la perspective d’une unité, des conditions de possibilité du commun et du statut de la différence lequel va progressivement revêtir les traits de la question de la diversité. La notion de communauté va être revisitée et circuler à travers les continents, marquée par des publications phares telles celles de Allan Bloom aux États-Unis, de Paulo Freire au Brésil et de Jean Luc Nancy en France. L’hypothèse d’une communauté « désœuvrée » (J. L. Nancy) ou « imaginaire » (B. Anderson) invite à analyser les contours d’une vaste fiction et à explorer son caractère agissant. Ce dernier trait est mis en évidence par un changement d’échelle et par un passage du singulier au pluriel : analyse des communautés (R. Costa), de leur structuration sociale et culturelle, des ressources (de diversité) et des menaces (de standardisation) qui leur sont propres. Le pluriel de la communauté s’est désormais imposé invitant à analyser des dynamiques d’action fondées sur des valeurs, des pratiques (de consommation ou de communication) ou des techniques (les communautés en ligne). Des courants de recherche (telle la Folks Communication) et de nouvelles activités professionnelles (telles les relations publiques communautaires) se développent à partir de là.
Poser la question de la communauté comme réalité (difficilement) observable et comme concept nous semble intéressant à l’heure de la mondialisation et de la digitalisation. Cette question La piste ouverte par A. Appadurai (1996) qui réévalue notre regard anthropologique en fonction des mutations mondiales en cours invite à repenser ce qu’il nomme « la production du local », marquée par la tension entre force centrifuge et force centripète. Il peut aussi s’agir de la veine développée par A. Mattelart (1992) qui parle de « communication monde » et fait rebondir l’idée ancienne du village global en mettant en lumière le problème de l’échelle (instable et difficile à cerner) du territoire. On peut aussi revenir sur le concept de « communauté imaginaire » développé par B. Anderson (1983) qui met l’accent sur la force structurante des représentations en présence et sur l’importance de la dimension symbolique. À quoi s’ajoutent les travaux récents, divers et parfois contradictoires, sur la question du bien commun et des communs en général, notamment dans la filiation de A. Hirschmann.
Malgré les contradictions et paradoxes que comporte ce thème (qui s’expliquent par une vision essentialiste de la communauté et par l’identification spontanée d’un commun qui homogénéiserait, points identifiés par Weber et Durkheim), il est intéressant d’analyser le sens de la communauté comme une mode de vivre ensemble qui est impacté par les changements économiques, politiques et culturels (Tacussel 1998). Le choc culturel entre les valeurs des sociétés ancienne et actuelle, la force du pouvoir économique obligent à une nouvelle logique, reconfigurent les formes de vie, d’autres manières de vivre ensemble, d’autres sociabilités qui modifient le quotidien des individus et leurs pratiques (Henriques 2014). La signification de la communauté émerge finalement comme construction ou reconstruction du sens commun ou selon Tacussel (1998) comme « le partage intersubjectif du sens ».
Ces aspects nous conduisent à penser les relations que les organisations instaurent avec la communauté. Les contradictions propres à la communauté, les représentations collectives des groupes, les intérêts différents et divergents de la communauté et des organisations soulignent la nécessité de comprendre les liens existant entre eux afin d’envisager d’autres relations possibles.
Au-delà de son caractère politique, culturel et communicationnel, la communauté peut être comprise comme un acteur spécifique construit à partir de la relation établie avec les organisations. Les changements dans la culture et dans les relations de pouvoir de la société contemporaine sont perceptibles, ceci développe l’ambiguïté, l’instabilité de la communauté, ce qui invite à penser celle-ci comme un processus interactionnel et communicationnel instable et contradictoire.
Ce dossier met ainsi en question et en débat les manières de comprendre les relations entre organisations et communautés, envisageant le rôle des conflits, la présence de formes de violence, les tentatives d’instauration d’une justice économique et sociale, au point d’articulation entre intérêts corporatifs et demandes sociales -civiques (Deetz 1992, Bauman 2003). Ceci souligne le croisement existant entre les perspectives sociale, économique et historique présentes dans le concept de communauté.
Quatre axes de réflexion sont proposés dans ce dossier :
Le lien entre organisation et communauté
Comment une communauté se constitue-t-elle et subsiste-t-elle, par quel mode d’organisation, selon quels processus (voulus ou imposés) ? Comment une organisation (professionnelle notamment) veut-elle ou peut-elle devenir une communauté, moyennant quels dispositifs (rhétoriques, éthiques, managériaux, techniques) ? Il est pour cela essentiel de comprendre le système normatif (et son lien avec la logique du capital) tel qu’existant aujourd’hui dans tous les domaines de la vie. Comment cette logique interfère avec les relations au sein de la communauté ? Quelle est la nature des relations dans le domaine de la culture, du pouvoir économique et des relations de pouvoir ? Le cours de la vie ordinaire des communautés et des individus est fait d’un enchevêtrement d’interactions qui supposent des arrangements collectifs et institutionnels qui méritent d’être analysés et qui posent également la question des biens communs.
La contribution d’Ingeburg Lachaussée revient sur le moment fondateur de la sociologie allemande marqué par la distinction entre deux termes, communauté et société, dans lesquels se joue la différence entre la perspective anthropologique de l’immédiateté, de l’enracinement et du vivre ensemble et la perspective politique d’un vouloir réfléchi qui vise la constitution d’un État. La lecture faite en Allemagne de ce texte inquiète Tönnies, soucieux du culte communautaire et de la nostalgie d’un âge d’or que développent ses contemporains et qui va se confondre avec un versant de l’idéologie nazie. L’approche de Tônnies tombe ainsi dans l’oubli après 1945, elle ne sera réactivée en Europe que sous l’influence de la pensée américaine, à partir de 1990. dans cette perspective contemporaine, la société devient un devoir, supposant arrachement à l’entre soi et au Lebenswelt.
L’article de Márcio Simeone Henriques souligne l’importance du dialogue entre les organisations et leur voisinage d’identifier des intérêts communs et de construire une relation politique complexe et dynamique. Il interroge le stéréotype de communauté en tant que « public cible » vis-à-vis les actions de responsabilité sociétale d’une entreprise, car la communauté est aussi « un autre » acteur agissant dans la prise de décision concernant des questions de justice. Selon lui, la communauté prend corps à travers son propre discours et action, « c’est-à-dire un groupe de personnes et d’institutions qui réagissent potentiellement aux problèmes qui les touchent ». Ainsi, la reconnaissance de la légitimité des représentants au sein de chaque segment (organisation et communauté) peut révéler comment les actions entretenues oscillent entre accords et conflits, entre la réaffirmation de l’existence d’une unité d’intérêts et de son affrontement. La communauté donc n’est ni une unité préexistante, ni permanente : « c’est la dynamique des relations des organisations avec les représentants des personnes et des institutions locales qui apporte de la matérialité et de la structure à cette communauté » affirme Simeone. Communauté et organisations sont constamment réinventées dans le flux de communication qui configure un réseau de débat et d’élaboration du commun partagé.
La contribution de Alice Zozima Paris Rego de Souza explore les modes de constitution d’une communauté scientifique, en l’occurrence celle des chercheurs en communication organisationnelle. Travaillant sur le proche et le lointain, l’auteure analyse des rapprochements et des distances, ces dernières étant d’ordre intellectuel plutôt que géographique. C’est une communauté en devenir qui nous est ici donnée à voir, avec son cortège d’incommunication (langue et traduction restent un problème), de passages et de passeurs, de lieux communs créés dans des revues ou lieux de formation. La constitution ‘une communauté scientifique passe par un travail d’institution qui se situe sur plusieurs plans : cognitif, social et éditorial sans que s’opère une nécessaire convergence des visions… signe d’une vitalité interprétative propice au travail scientifique.
Les modes de sociabilité contemporaine
Les modes de sociabilité contemporaine sont conçus à partir du concept de communauté et ceci dans des cadres variés : le niveau de la vie locale sur un territoire, le niveau de la vie professionnelle en organisation, le niveau de groupes partageant des pratiques culturelles (lecture, fréquentation des médias, croyances ou pratiques religieuses) etc. Les contributions mettent en évidence les choix théoriques permettant de penser la communauté à partir de la définition des publics et de sa genèse (Quéré 2003), de penser la place de l’expérience d’un événement (communauté d’aventure), d’envisager la constitution de communautés de savoir (communautés scientifiques), d’analyser le débat et les arguments développés autour de problèmes identifiés comme collectifs (communauté en ligne), d’envisager la recherche de responsabilités, de solutions et d’actions (communauté de destin ou d’intérêt) ou encore la quête lancinante de relations amicales ou amoureuses (la communauté amoureuse telle que revisitée par les réseaux sociaux).
La contribution de Jean-Eric Douce rebondit sur cette nécessité de
« société » et invite à revisiter ces réquisits que sont la Loi, la solidarité et la croyance. Selon lui, la logique communautaire est une logique régressive dans laquelle le monde « peut tomber en morceaux ». Selon J. E. Douce, il n’y a plus opposition entre les deux termes mais imbrication de deux types de sociabilité dans un cadre marqué par la défiance envers toute médiation et toute institution. Le culte contemporain du « bien commun » l’emporte sur la volonté générale, le changement d’échelle – la mondialisation – s’accompagne du retour du tribal et du clocher. Les identités primaires reprennent le dessus, faisant reculer tout horizon de sacré et de transcendance. J. E Douce nous invite ici à retrouver la force politique de la solidarité qui fait société, une fraternité sans armes annonciatrice de temps de paix.
Margarida Maria Krohling Kunsch pose la question du bien commun à partir d’une réflexion sur le développement durable et d’une approche qui intègre la communication publique, la société civile et le pouvoir des organisations. Ces trois dimensions et leurs interfaces soulignent la communication organisationnelle « comme un agent important dans la promotion et la réalisation des actions constructives pour le développement durable ». En ce sens, les processus d’interconnexion entre les autorités publiques, les organisations et la société (l’intérêt public) requièrent la promotion de valeurs démocratiques pour la défense du bien commun. Les actions de communication responsables d’assurer le développement durable résultent de l’interpellation constante entre les pouvoirs publics, les organisations et une société civile organisée capable de faire face à l’État et au pouvoir économique pour demander une justice sociale ample et égalitaire. Le rôle joué par les organisations non gouvernementales (ONG) et le troisième secteur peut mettre en question, selon Kunsch, le « discours vide de responsabilité sociale et du développement durable sans engagement public ». Elle nous invite à envisager des relations publiques communautaires, qui dépassent les actions sociales paternalistes et présupposent la participation des acteurs institutionnels « dans » et avec la communauté en élaborant une planification participative et intégrée.
L’article de Cicilia M. Krohling Peruzzo thématise cette piste de relations publiques communautaires en tant que sujet controversé marqué par la tension entre deux approches discursives concernant l’engagement des entreprises avec les communautés. Une première approche définit la responsabilité sociale en tant que stratégie organisant un semblant de collaboration. Dans ce cas, l’organisation ne reconnait pas la communauté en tant que partenaire d’interlocution et maintient intouchable sa suprématie « en adaptant aux intérêts corporatifs les pratiques d’intervention auprès des différents publics ». À l’opposé, la deuxième approche voit les exigences liées à la « responsabilité sociale » comme compromis éthique entre les organisations et leurs multiples publics et demandes dans une perspective de citoyenneté. « Ce type de collaboration est perçu comme une action en vue d’amoindrir les graves problèmes socioéconomiques et culturels auxquels les populations urbaines brésiliennes font souvent face. » Les inégalités liées aux avancées du néolibéralisme, les idéologies méritocratiques et les asymétries des pouvoirs montrent l’urgence d’une « prise de position éthique en relation à toutes les politiques et actions d’une entreprise, la qualité de ses produits et des services qu’elle offre à la société ». En ce sens, Peruzzo affirme que le rôle joué par les relations publiques communautaires est de garantir le respect et l’écoute « des intérêts collectifs, ainsi que le respect de la nature et des droits humains au développement durable de leur vie actuelle et future ».
Communauté et réseaux numériques
Le troisième axe traite de la spécificité des interactions communautaires sur les réseaux numériques. Comme l’écrit D. Cardon (2010), « les communautés sur Internet sont électives et résultent moins de la création de liens d’appartenance que d’interactions opportunistes dont la prémisse est l’exposition de l’identité, des goûts et des activités de l’individu » (p. 81). Les incivilités, les échanges marqués par des expressions de haine (hate speech) et l’intolérance coexistent avec des tentatives plus rares permettant de penser comment l’architecture discursive des réseaux sociaux contribue potentiellement à des pratiques démocratiques, participatives et délibératives. Des insurrections politiques et des résistances s’installent, au point de rencontre entre actions collectives offline et actions online, donnant naissance à une articulation entre identités singulière et identification collective. En même temps, dans le contexte organisationnel le paradigme contemporain de l’entreprise en réseau et du travail collaboratif, par demande et par projet (Gramaccia 2013) suppose une transformation des relations, une évolution des modes de coordination des activités, des publics et de la communauté. Ceci suppose une réinvention des temporalités et des spatialités ; susceptibles de promouvoir « une interdépendance croisée entre organisations et espaces publics, ou encore entre états - nations ou entre organisations elles-mêmes en analysant le rôle des pratiques communicationnelles dans les reconfigurations et changements en cours liés notamment aux phénomènes de la mondialisation, à l’évolution du travail contemporain et du développement technologique » (d’Almeida, Carayol 2014 : 9).
Dans leur contribution, Carolina Duek et Noelia Enriz développent, à propos de populations d’enfants observées dans leur contexte familial et scolaire, dans le cas de population Mbyá Guaraní à Misiones, en Argentine, la notion de communauté de jeu. Et si le jeu, par le truchement de ses règles, de ses collectifs, de ses outils participait de la construction d’une forme très particulière de communauté ? La pratique du jeu est liée, pour les enfants, à plusieurs formes d’antinomie : le jeu dans l’espace scolaire et le jeu dans contexte familial, le jeu « pédagogique » et le jeu « loisir », le jeu « en cachette » à l’école et l’usage des jeux traditionnels à la maison, le temps du jeu numérique, opposé au temps scolaire… Quoi qu’il en soit, pour les auteures, les actions ludiques participent de la sociabilité des sujets joueurs. On songe alors à Tönnies, pour qui la famille est une première forme communautaire. Le lien familial est porteur de morale, de solidarité, de foi, opposant lien communautaire et lien sociétaire. Pour les auteures, l’usage des objets connectés au sein de l’espace familial, les pratiques ludiques associées à la connexion numérique expliqueraient l’émergence de nouvelles formes communautaires et d’autonomie, incontestablement, en regard de l’école, non tolérée.
Communauté et conflit des singularités
Un dernier axe propose de traiter de la communauté à partir de la réflexion menée par R. Esposito (2007) pour qui la communauté ne se réduit pas à ce qui réunit et rassemble, ce qui sépare (la différence, l’altérité) ne devant pas être sous-estimé ou occulté. Esposito mise sur une perspective non substantialiste de la communauté, considérant l’« impropre » comme point commun constitutif de toute entité et de tous les sujets, invitant à penser que la séparation est constitutive du commun. Ainsi le commun n’est pas ainsi par essence mais lié à la rencontre conflictuelle de singularités, ce qui met en avant la piste des « innombrables formes de liens, compris auparavant comme non communautaires car superficiels, fugaces, fragiles ou inconsistants » (Yamamoto 2014). Traiter de la communauté suppose que l’on pense autant les formes de la violence et de l’intolérance que celles de l’hospitalité, de l’accueil et de la reconnaissance de l’autre dont l’existence, la présence, l’apparition représentent une menace potentielle avec laquelle chacun compose selon des modalités infiniment variées.
Oscar Motta Ramirez s’interroge sur les formes artistiques très particulières que les mouvements citoyens auront prises, en Colombie, après le référendum de 2016 rejetant l’accord signé entre le gouvernement et la guérilla menée par les FARC. Cette contribution démontre en quoi la rue est devenue, dans l’exemple de Bogota, ce lieu alternatif d’une expression publique qu’investissent les « invisibles », la ville devenant « un véritable terrain d’expérimentation sociale ». Un néologisme fort, l’artivisme, rend compte de ces pratiques de l’art urbain visant restaurer la paix sociale. Cet « activisme artistique » ou « art citoyen » (Catherine Gingas est citée) s’impose comme un art engagé, une forme action politique et de critique sociale. Ce que l’auteur appelle l’artivisme communautaire s’impose alors comme une nouvelle sphère publique favorable à la mobilisation citoyenne et à la construction d’une paix sociale sous le signe de l’expression artistique.
Pour Maria Lucilia Marcos, la notion de tension, empruntée aux sciences physiques, chimiques ou électriques de la notion de tension présente, pour les sciences humaines et sociales, un réel intérêt théorique. Pour l’auteure, dans sa critique de la société de la « transparence », l’expérience humaine est tensionnelle. D’où ce paradoxe : la quête de transparence, par qu’elle s’inscrit dans le « panoptique numérique » formaté aujourd’hui par ce qu’il est convenu d’appeler les « réseaux sociaux », est une illusion. Pour l’individu, la présence visible dans les réseaux n’est pas un gage d’appartenance communautaire. De même, l’expérience de la reconnaissance (Honneth est cité) n’échappe pas au processus tensionnel. Il faut voir alors, dans ce que l’auteure appelle une « herméneutique narrative », la possibilité d’une « reconnaissance de la pluralité et de la différence » comme condition de la réconciliation. L’hypothèse cosmopolitique – selon Beck – ouvre alors des perspectives passionnantes pour aider à penser le commun « comme lien de singularités, de séparations, d’opacités », dit Maria Lucilia Marcos.